– Je n’ai pas besoin de cette relation, Tate. Peut-être un jour, si elle fait cette introspection dont tu parlais. Mais ce n’est pas près d’arriver. Et en attendant, j’ai besoin de vivre ma propre vie. Sans elle.
– Et tu es d’accord avec ?a ?
– Je suis d’accord. Bien s?r, ?a fait mal, mais l’avoir dans ma vie me fait encore plus mal.
– Je suppose que c’est la lueur d’espoir ?
Il passe à nouveau sa main sur mon épaule, un geste plein de réconfort.
– Oh. Non… La lueur d’espoir serait si je n’avais pas fait une crise de nerfs après avoir confronté ma mère, si je n’étais pas allée chez mon père… où j’ai fait une autre crise de nerfs. J’ai été très occupée depuis hier soir, tu sais. (Je ne peux m’empêcher de rire.) Mais assez parlé de moi. Comment ?a s’est passé avec TES parents ?
– ?a s’est passé ! répond-il, mais avant, tu ne peux pas me laisser en plan comme ?a. Que s’est-il passé chez ton père ?
Je jette un coup d’?il à Tate avec un sourire plein d’autodérision.
– Eh bien, je suis allé chez eux pour lui parler et j’ai fini par me recroqueviller en position f?tale, en larmes sur leur pelouse. Nia est sortie et nous sommes restées ensemble toutes les deux. On a passé un super moment, en fait. Puis je suis rentrée et j’ai parlé à mon père. J’ai fait ce que tu m’avais dit. J’ai partagé mes sentiments, je lui ai fait part de mes attentes et toutes ces conneries.
Tate ricane.
– Je lui ai dit que je voulais une relation qui implique plus que des plaisanteries superficielles et des achats de tortue. Que je voulais pouvoir venir le voir quand j’avais besoin de lui sans avoir peur qu’il me repousse. Tout s’est bien passé. Je me sens très adulte maintenant. (Je penche la tête, souriant à nouveau.) Tu m’as changée, Tate.
Son visage se détend.
– Comment j’ai fait ?a ?
– Tu m’as appris à me défendre, à être franche avec les gens qui m’entourent. Avant, j’étais une vraie poule mouillée, mais gr?ce à toi, je me sens plus forte et…
Il m’embrasse.
?a vient de nulle part. J’ose dire que ?a me rappelle un peu l’époque d’Aaron, mais au moins, la langue de Tate est toujours dans sa bouche. Il presse ses lèvres contre les miennes dans une douce caresse avant de se relever.
Je passe le bout de mes doigts sur la barbe qui pousse sur sa joue.
– ?a va ?
– Embrasse-moi encore, me dit-il.
Nos bouches se touchent. Sa langue glisse maintenant sur mes lèvres écartées… j’en ai tellement envie. Ses doigts sont dans mes cheveux, il gémit contre mes lèvres. On sent l’urgence, une émotion intense nous enveloppe tous les deux, et je réalise que nos deux c?urs battent au même rythme.
Je me redresse… les mots s’échappent sans que je puisse les retenir.
– Je t’aime.
Il ouvre les yeux.
– Quoi ?
– Je sais que j’ai dit beaucoup de choses avant. Que je ne voulais pas de relation sérieuse, que tout ?a se terminerait en septembre, qu’il n’y avait pas de pression. Je sais, j’ai dit tout ?a. Mais quelque chose a changé. Je ne sais pas comment, mais c’est arrivé, et maintenant… je suis amoureuse de toi.
Je déglutis en regardant mes mains. Elles tremblent.
– Tu m’as dit de parler de mes sentiments, eh bien, ce sont mes sentiments : je t’aime.
– Je t’aime aussi.
Mon regard vole vers le sien.
– Vraiment ?
– Oui. Je le sais depuis longtemps. Mais je n’avais pas les couilles de te le dire.
– Attends, je l?che soudain des bombes sur ce que je ressens et toi tu les retenais depuis longtemps ? C’est ce que tu es en train de dire ? On a changé nos r?les ?
– Quelque chose comme ?a.
Avec un regard que je ne comprends pas, Tate me caresse la joue. Puis il ramène mon visage vers lui, et ses lèvres effleurent les miennes dans un baiser d’une infinie tendresse.
Mais ce baiser…
Quelque chose ne va pas.
Une goutte vient s’écraser sur le bout de mon nez. Je le regarde, confuse. Tate cligne rapidement des yeux. Il passe un pouce sur son ?il.
– Qu’est-ce qui se passe ? je lui demande, mal à l’aise.
– Moi non plus je ne veux pas que ?a s’arrête… m’avoue-t-il, le visage rempli d’émotion.
Une joie profonde m’envahit.
– OK, bien…
– … mais il le faut, termine-t-il, sa voix n’étant plus qu’un chuchotement.
Mon c?ur soudain s’enfonce comme une pierre au creux de mon estomac.
– P… pourquoi ? je balbutie.
– Tu m’as demandé comment ?a s’était passé avec mes parents…
Il l?che un grand soupir.
– Ils ont surmonté l’épreuve de la liaison de mon père. Maman lui a pardonné, il y a longtemps. Toutes ces années d’amour dégoulinant, ce n’était pas faux. Ils sont amoureux. Ils s’aiment beaucoup, en fait.
– C’est bien, non ?
– C’est super. Et je comprends les raisons qui ont poussé mon père à faire ce qu’il a fait, ce qui ne veut pas dire que je l’approuve. Il a eu tort. Il a fait une connerie, il a blessé ma mère. Mais elle lui a pardonné. Leur mariage est solide comme un roc.
– Alors, tout va bien, Tate…
– Papa et moi avons eu un moment seul à seul et nous avons parlé de nos trucs. On a réglé quelques problèmes. Je vais naviguer jusqu’en Nouvelle-Zélande.
Je hoche la tête, Je commence à comprendre.
– Je vois. Et tu penses que ?a doit se terminer entre nous parce que tu pars pour trois mois…
– Non, rien à voir avec ?a.
Je me frotte le nez, je ne sais plus très bien où j’en suis.
– Je ne comprends pas ce qui se passe, explique-moi.
– J’ai aussi parlé à ma mère seul à seule.
– D’accord…
Je ne comprends toujours pas.
– Elle lui a pardonné, répète Tate, la voix légèrement cassée, mais ?a ne veut pas dire qu’elle a besoin qu’on le lui rappelle tous les jours.
Cette fois, une sensation nauséabonde se répand dans mon ventre jusque dans mes intestins.
– Et je représente un rappel de ma mère, je murmure.
Il acquiesce, l’agonie plein les yeux.
– Nous avons parlé pendant un moment. Dans le passé, maman n’a jamais voulu savoir avec qui mon père avait eu cette liaison, mais maintenant, elle le sait. Elle sait que c’est ta mère. Elle a admis que ce serait difficile pour elle de te voir si toi et moi étions ensemble, si nous étions un couple.