– ?a va ? je lui demande en lui touchant le bras.
– Un peu fatiguée, admet-elle. Et, pour être honnête, je ne suis pas s?re que mes tympans vont pouvoir supporter la voix de cette femme une heure de plus.
– Tu veux partir ?
Au bout d’un moment, elle acquiesce.
– Je pense que oui. ?a ne te dérange pas de m’appeler un taxi pour rentrer ?
– Non, pas de problème. Mais tu es s?re ? Il n’est que huit heures…
Grand-mère me fait le sourire que je préfère, celui qui contient toujours une note d’espièglerie.
– J’ai fait acte de présence, ma chérie. Personne ne va le remarquer si je m’éclipse.
– Je te raccompagne.
Et, me tournant vers Joy, je lui dis :
– On se retrouve à la table ?
– Bonne nuit, Madame Tanner, dit Joy en se penchant pour embrasser ma grand-mère sur la joue.
– Bonne nuit, ma chère.
Après avoir raccompagné grand-mère, je retourne dans la salle de bal en me faufilant entre les tables. Cette année, les centres de table sont énormes, des horreurs en cristal fantaisie, remplis de grandes plumes et de gypsophile. Je crois qu’ils sont censés ressembler à des cygnes. Ou à des chevaux. C’est comme on veut. L’estrade, qui s’étend depuis la scène, va servir pour la Vente aux enchères des célibataires. J’étouffe un rire en passant devant. Pauvre Tate. Je ne l’ai pas encore vu ce soir, je suppose qu’il se cache quelque part, dans un coin. En fait, il discute avec Joy quand j’arrive à la table parrainée par grand-mère.
Il porte un costume gris foncé. La veste, dans un bel alpaga, tombe parfaitement sur ses larges épaules. Il a une chemise blanche, sans cravate, avec les deux boutons du haut défaits. Son beau visage est rasé de près et ses cheveux dorés, pour une fois, sont coiffés. Il ressemble à l’un de ces gar?ons BCBG qu’il aime appeler les clones.
– On dirait que quelqu’un a sorti ses produits capillaires, je le taquine.
– C’est vrai. (Ses yeux bleus passent ma robe en revue.) Cette couleur te va super bien.
– Merci, répond Joy. C’est moi qui l’ai choisie.
– Oui, c’est à Joy que revient tout le mérite. Tu es prêt pour ton grand moment ? je demande à Tate.
Il acquiesce vivement.
– J’ai bien couvert mes arrières. J’ai prévu un plan A… et un plan B.
Je plisse les yeux en le regardant.
– Je suis lequel ?
– Le A, bien s?r. Je veux dire, aucun homme n’a envie de gagner un rendez-vous avec sa mère.
?a me fait rire.
– Ta mère est là ?
– Elle et papa sont assis là-bas. (Il me montre une table à droite de la scène.) Elle a promis qu’elle viendrait à mon secours si tu me laisses tomber. Tu sais quoi, viens, je vais te les présenter.
– Quoi ? (Je ne me sens pas très à l’aise, les talons de mes escarpins s’enfoncent dans la moquette bordeaux.) Oh, ce n’est pas la peine.
– Si, viens. Ils seront ravis de te rencontrer. Je leur ai parlé de toi tout à l’heure.
Ah oui ?
Je vois Joy me regarder en mode : Il a parlé de toi à ses parents ? Quand je lui réponds d’un regard paniqué en demandant son aide, elle me laisse seule dans le grand bain comme d’habitude.
– Je vais rester ici, lance-t-elle en attrapant une fl?te de champagne.
Elle en boit une gorgée tout en m’adressant un sourire plein de malice :
– Va rencontrer ses parents, Cass.
Tra?tresse !
– Quoi, c’est bizarre ? me demande Tate en me tenant vaguement le bras pour m’escorter à travers la foule.
– Non, je mens. Pourquoi ce serait bizarre ?
– Joy a réagi comme si rencontrer mes parents était un événement important ou un truc comme ?a. (Il hausse les épaules d’un air désinvolte.) Ce sont juste mes parents. Ils n’ont rien de spécial.
Il a tort. Dès que je rencontre les Bartlett, j’ai des étoiles plein les yeux. Et je ne suis pas la seule, apparemment. Le couple se tient au milieu d’un grand groupe, où clairement, ils sont au centre de l’attention. Le père de Tate, grand, blond et visiblement très sociable, régale tout le monde en racontant une histoire qui les fait tous hurler de rire. Un homme aux cheveux grisonnants essuie ses larmes tellement il s’amuse :
– Bon sang, Gavin, c’est la chose la plus dr?le que j’aie jamais entendue.
Quand ils remarquent que Tate approche, les Bartlett s’écartent de leurs amis en nous faisant de grands sourires. Tate m’avait décrit ses parents comme étant toujours très amoureux, ce que je ressens tout de suite. Une aura particulière les entoure, une sorte de cocon de tendresse qu’ils partagent avec leurs amis. Ils sont toujours en contact l’un avec l’autre. Même lorsque le père de Tate me tend la main, un de ses bras reste enroulé autour de l’épaule de sa femme.
– Gavin, dit-il, enchanté de vous rencontrer.
Quand la mère de Tate me serre la main, son autre bras reste niché dans le creux du bras de son mari.
– Gemma, dit-elle.
C’est une petite femme aux courbes avantageuses, aux cheveux ch?tain clair et aux yeux noisette, elle para?t beaucoup plus jeune que son ?ge. Elle porte une robe fourreau blanche qui lui va comme un gant.
– Je suis Cassie. (Je leur serre la main avant de me tourner vers Tate.) Waouh, ils ont les mêmes initiales. Gavin et Gemma, j’adore. (Je souris de plaisir.) Vous avez raté l’occasion de vous la jouer Kardashian et de donner à Tate un prénom commen?ant par G.
– Nous avions envisagé Gate, répond Gavin avec sérieux, mais Tate sonnait mieux.
Je pouffe de rire.
– Tu entends ?a, Gate ? Tu as échappé au pire !
– Tate m’a dit que tu étais son back-up pour la vente aux enchères.
– Je ne sais pas… Je pensais que je l’étais. Mais il semblerait que ?a devienne une guerre d’enchères entre vous et moi…
Je lève mon menton vers elle en signe de défi. Gemma, de son c?té, fait semblant de me lancer un regard noir.
– Oh, ?a a commencé !
– Mesdames, s’il vous pla?t, ne vous battez pas pour moi. (Tate grimace.) Sérieusement. Je n’ai pas envie que ma mère soit impliquée dans une compétition dont je suis le prix.
Gavin éclate de rire.
– Bien dit, petit. (Il tape sur l’épaule de Tate avant de reporter son attention sur moi.) Et toi, Cassie, comment se passe ton été ?
– Bien, très bien. J’ai décidé de la jouer relax.
– Tate m’a dit que tu as grandi à Avalon ?
– En effet. Mon père et ma belle-mère vivent toujours ici, avec mes deux demi-s?urs, mais je suis à Boston maintenant. Je vais à l’université là-bas.