Au bout de trois minutes, elles sont déjà à 6 mètres les unes des autres.
– Waouh ! s’extasie Zale.
– Tout est dans le lancer, chuchote Mac à l’équipe. Il faut qu’on fasse des lancers avec une main bien en dessous du ballon.
L’équipe La Savonnerie réussit un spectaculaire 8,80 mètres avant que Felice n’attrape le ballon de travers et qu’il éclate d’un seul coup dans ses mains. Mais les filles savent qu’elles ont bien joué, elles affichent un sourire radieux en rejoignant la ligne de touche sachant qu’elles ont une bonne longueur d’avance sur la meilleure équipe, les boulangers.
– Hartley & Sons, à vous de jouer !
Cooper regarde sa copine d’un air narquois et ne peut s’empêcher de lui adresser une pique :
– Ne me dis pas qu’on a 8,80 mètres à dépasser pour être s?rs de se classer ? Oh non… ?a va être trop dur !
Mackenzie et Genevieve lui font toutes les deux un doigt d’honneur, déclenchant un éclat de rire dans la foule. Quand je jette un coup d’?il vers les spectateurs, je suis affolée d’apercevoir mon père. Il est avec Nia et les jumelles ; ils me sourient tous et me font des grands signes quand ils remarquent que je les regarde. Merde… Je ne savais pas qu’ils revenaient aujourd’hui. Maman et grand-mère sont censées venir aussi pour la remise des prix. La panique s’empare de moi quand j’essaie de me souvenir de la dernière fois où papa et maman se sont retrouvés dans le même endroit. Ce qui est rassurant, c’est que maman et grand-mère ne sont pas encore arrivées. J’ai donc le temps d’avertir papa avant. Mais d’abord, on doit tuer cette épreuve du ballon d’eau.
Sur le terrain, la ligne de l’équipe Hartley se déplace avec précision et rapidité Ils réussissent leurs lancers à 1,5 mètre. ? 3,5 mètres. ? 4,5 mètres.
? 5,80 mètres, on assiste à la plus grande surprise des Beach Games d’aujourd’hui : Spencer, leur journalier, lance le ballon à Evan. Sa main glisse au moment du l?cher, juste un peu, mais suffisamment pour modifier la trajectoire. Le ballon dévie vers la droite d’Evan, ce qui l’oblige à faire un pas brusque ; trop tard, son corps est déjà en déséquilibre quand il tente de le rattraper.
Et plouf ! L’eau explose dans la main d’Evan.
– Un homme à terre ! s’amuse Deb dans le micro.
De leur c?té, les pompiers applaudissent bruyamment, conservant leur place de troisièmes avec 6 mètres.
– Oh mon bébé, pourquoi tu es tout mouillé ! (Genevieve en fait des tonnes quand Evan revient sur ses pas. Elle fait semblant d’être désolée.) Qu’est-ce qui s’est passé ? Je ne regardais pas, le ballon a éclaté ?
– C’est ?a, continue… La prochaine fois que tu prends cette voix de petite fille, il vaudrait mieux que ce soit ce soir. Au lit.
Mac fait un clin d’?il à Cooper en passant.
– Je suis presque s?r que vous n’en étiez même pas à 6 mètres.
Il grogne.
– Pour l’instant, vous n’êtes pas encore placés, princesse. Nous vous battons toujours d’un point.
Enfin, c’est à nous. Je n’arrive pas à croire à quel point c’est éprouvant pour les nerfs. Comment se fait-il que cette compétition de plage sans enjeu, dans une petite ville, me fasse transpirer à ce point ?
– Allez, on y va… dit Zale.
– Oui, on y va, répète Gen.
– Et… lancez ! crie Deb, dès que nous sommes en position.
L’équipe Beacon ne perd pas de temps : 1,5 mètre, 3 mètres, 4,5 mètres. Ce sont les plus faciles. Viennent maintenant les effrayantes petites distances de 30 centimètres entre 4,5 mètres et 6 mètres. Mais si nous atteignons les 6 mètres, nous serons à égalité avec les Hartley, et ce n’est pas ce que nous voulons. Nous voulons gagner. Ce qui veut dire que nous devons battre non seulement les pompiers mais aussi les boulangers pour passer à la deuxième place.
? 5,5 mètres, mes paumes sont si moites que je dois me pencher pour les essuyer dans le sable.
? 5,80 mètres, je ne sens plus mes jambes.
La pression est énorme. Nous sommes en train d’essayer d’atteindre les 6 mètres. Si on y arrive, on sera à égalité avec les pompiers.
On le fait.
– Et… un pas !
Nous faisons un autre pas. Si nous réussissons la séquence suivante, nous aurons assommé les pompiers.
– Et… lancez !
Zale lance. C’est moi qui réceptionne.
Je me retourne et regarde Genevieve :
– Prête ?
Elle s’essuie les mains sur le devant de son short en jean.
– Prête !
Très méthodiquement, je lance en parfaite ligne droite avec la main bien en dessous. Le ballon flotte comme une plume en apesanteur jusque dans ses mains prêtes à l’accueillir. Elle l’attrape. Un souffle de soulagement parcourt la foule.
Gen se tourne ensuite vers Mac, hyper concentrée.
Elle lance.
Mackenzie l’attrape.
– 6,50 mètres, déclare Deb.
– Putain de merde, génial ! hurle Zale. On a réussi ! On l’a fait !
Il commence à sauter partout, à lever les deux bras et à frapper les mains en l’air.
J’étouffe un rire.
– On n’a pas fini ! je lui rappelle. On joue encore…
– Ah oui.
– On est à deux doigts de la deuxième place, s’émerveille Gen.
Et on y arrive. On est à 7 mètres avant que mon ballon n’explose aux pieds de Gen. Mais ce n’est pas grave. Nous avons réussi à devancer les boulangers pour terminer à la deuxième place de cette dernière épreuve. C’est fait, on a battu les Hartley aux Beach Games.
D’un petit point.
C’était vraiment très serré.
– Quelle est la taille du string qu’il vous faut ? demande Gen aux jumeaux en se moquant d’eux, une fois l’enthousiasme de l’équipe redescendue. (Elle regarde l’entrejambe d’Evan.) Je ne sais pas s’ils en font en XS, chéri.
– XL, tu veux dire.
En marmonnant, il soulève Gen comme s’il allait la jeter, mais au lieu de ?a, il la rapproche de lui. Elle enroule ses jambes autour de ses hanches et ils commencent à s’embrasser.
Levant les yeux au ciel, je vais chercher mon père que je retrouve, maintenant seul, sur la promenade.
– Beau travail ! s’exclame-t-il avant de me serrer rapidement dans ses bras.
Je le remercie.
– Où sont les filles ? je demande en jetant un coup d’?il autour de moi.
– Elles se sont lassées de te regarder lancer des ballons, alors Nia les a emmenées manger une glace.