– Je vois… Dis-moi, je voulais te prévenir que maman et grand-mère vont arriver d’une minute à l’autre. Elles viennent pour la remise des prix.
Il lève un sourcil.
– Vraiment ? Ta mère ?
Je souris, un peu gênée.
– Je sais… Je ne t’ai rien dit avant, parce qu’au début, je n’y croyais pas, mais maman a vraiment fait des efforts depuis qu’elle est arrivée à Avalon.
– Ah bon ?
Au ton de sa voix, je ne sais pas trop ce qu’il en pense.
– Oui, je t’assure. On s’est bien amusées, en fait.
Papa est décontenancé. Je ne peux pas lui en vouloir, je n’ai jamais utilisé le mot ? amusé ? à propos de ma mère.
– Eh bien, c’est super, Cass. Je suis content d’entendre que tu t’amuses et qu’elle fait des efforts.
Cette fois, j’entends clairement le doute qui se dégage de sa voix.
– Comme je l’ai dit, je n’y croyais pas vraiment. Mais elle a été cool ces derniers temps. Attentive. Amusante. Attentionnée…
J’hésite un instant. Ce n’est probablement pas le moment le plus approprié pour approfondir cette conversation, mais je pense aussi qu’on n’aura probablement pas d’autre occasion de parler de ma mère, alors les mots m’échappent.
– Elle m’a parlé de la fausse couche.
Papa se redresse comme si je lui avais donné un coup.
– C’est vrai ?
Mes mains sont moites, à nouveau. Papa et moi parlons rarement de sujets aussi délicats, alors je ne sais pas trop comment aborder la question.
– Oui, et je suis contente qu’elle l’ait fait. ?a m’a permis de mieux la comprendre, tu sais. Je comprends maintenant pourquoi elle s’est autant battue pour obtenir la garde exclusive. Je pensais qu’elle voulait t’éloigner de moi, mais je sais aujourd’hui qu’elle essayait juste de me garder auprès d’elle après la perte du bébé. Donc… ouais, je suis reconnaissante qu’elle me l’ait dit.
– Oui. Bon…
Son visage s’assombrit, mais pas avant que j’aper?oive un éclair de colère dans ses yeux.
– Cassie !
Je me retourne à temps pour voir mes s?urs courir vers moi. Nia les suit, chaussée de sandales noires et vêtue d’une robe ample sans manches.
– Tu veux savoir ce que Pierre a fait aujourd’hui ? s’exclame Roxy. Il a pété !
Les filles se mettent à rire à gorge déployée, tandis que leur mère fait une grimace.
– C’était très désagréable, dit Nia d’un ton sec.
Je regarde papa.
– Tu ne les as pas prévenues à propos de l’odeur chez ces tortues ?
– Clayton ! grogne sa femme.
– Merci, Cass. Merci beaucoup.
Je ricane.
– Hé… pourtant tu le savais que si on manipulait trop brutalement Pierre, il ferait une attaque de pets.
– Une attaque de pets ! s’écrie Mo.
Et les filles se mettent à sautiller en criant ces deux mots encore et encore. Nia, résignée, offre un sourire d’excuse à tous les gens qui se retournent en nous regardant.
– Attention, Avalon Bay !
Une voix retentit soudain dans les haut-parleurs de la promenade. Deb, bien s?r. J’ai entendu Debra Dooley crier dans les micros tellement de fois ces deux derniers jours que je reconna?trais sa voix entre mille.
– Le nom des vainqueurs des vingtièmes Beach Games d’Avalon sera bient?t connu. Veuillez vous rendre à l’Office du tourisme.
– Tu as gagné ? me demande Mo, les yeux écarquillés.
– Je ne crois pas. Mais si les calculs de mon coéquipier sont justes, on est peut-être troisièmes. On se voit plus tard, d’accord ? Je dois retrouver mon équipe.
– On va y aller maintenant, dit papa, ce qui me dit qu’il a pris mon avertissement au sérieux. Mais je t’appelle plus tard. Tu as fait du bon boulot aujourd’hui.
– Merci, papa.
Lorsque j’arrive, une foule nombreuse s’est rassemblée près de l’Office du tourisme. Je cherche dans la mer de visages jusqu’à ce que j’aper?oive l’afro si caractéristique de Zale.
– Cass ! s’écrie-t-il, par ici !
Je rejoins mon équipe et on attend tous impatiemment que Deb prononce un autre de ses discours sur l’amour qu’elle porte à cette ville. Elle se tient sur une petite estrade qui peut à peine contenir deux personnes, et encore moins une équipe de quatre. Les vainqueurs doivent choisir un membre de leur équipe pour monter sur l’estrade et recevoir leur trophée.
Les pompiers remportent la première place, le club nautique se classe deuxième. Et pour le retour tant attendu du Beacon dans le monde des Beach Games, notre équipe se classe troisième.
On applaudit à grands cris quand Gen monte sur la petite estrade pour recevoir le trophée de la troisième place des mains d’une Deb Dooley rayonnante. Le trophée mesure environ vingt-cinq centimètres de haut, avec une finition cuivrée et des traces de doré sur le ballon de plage du sommet. Le socle en bois marron ne porte que la mention générique : troisième place.
Gen fait un grand sourire aux Hartley en passant devant eux avec notre trophée.
– Oh… on ne donne pas un truc comme ?a pour la quatrième place ? demande gentiment Gen. Regardez comme il est beau.
– Un trophée… pour la troisième place ? réplique Cooper. Genevieve, grandis un peu, putain… Quand on n’est pas premier, on a perdu !
Mac acquiesce d’un hochement de tête rapide.
– Il n’a pas tort.
– Vous êtes faits l’un pour l’autre, marmonne Evan.
– Hé, Cassie, lance Mac en se tournant vers moi avec un beau sourire, merci beaucoup d’avoir fait partie de notre équipe, c’était vraiment génial. Tu reviendras l’année prochaine ?
– Vraiment ? Même si je ne travaille pas à l’h?tel ?
– Qu’est-ce que tu veux dire ? Le Beacon appartient à la famille Tanner depuis cinquante ans. Vous aurez toujours votre place ici.
Je suis tellement touchée que mes yeux commencent à piquer. Je ne m’attendais pas à nouer de véritables liens cet été, mais j’en suis ravie. Cette sacrée grand-mère avait raison, c’est agréable de faire partie d’un groupe.
En parlant de grand-mère, je l’aper?ois soudain dans la foule. Je fronce les sourcils en remarquant qu’elle est seule. Je m’excuse auprès de mes amis et vais la rejoindre. Elle m’accueille avec un sourire, mais je vois tout de suite que quelque chose ne va pas.
Je l’entra?ne vers une partie moins fréquentée de la promenade.