The Summer Girl (Avalon Bay, #3)(37)
– Qu’en dis-tu ? insiste papa. Tu pourrais venir un peu plus cet été… Rester une semaine ? Un week-end de temps en temps ?
Il s’interrompt, il n’a pas l’air s?r de son coup.
– Pourquoi pas ? je réponds. Nia est d’accord ?
– Bien s?r qu’elle est d’accord. Elle adore t’avoir ici.
J’ai des doutes, mais j’évite de faire des commentaires sur le niveau d’enthousiasme de Nia à mon égard, surtout à papa. La mère psy de Peyton appelle ?a un mécanisme d’adaptation, et je suppose que c’est le cas. Que je parle à ma mère ou à mon père, je donne toujours l’impression d’être insouciante et radieuse. Pas seulement parce que je déteste les conflits… non, j’ai été trop souvent échaudée par l’incompréhension de mon père. La période la plus compliquée a été juste après le divorce. Chaque fois que j’ai essayé de lui faire part de mes sentiments, je me suis heurtée à un mur. Je n’oublie pas non plus qu’il ne s’est même pas battu pour obtenir la garde partagée. Il a tout abandonné à maman. Jamais je n’ai pu obtenir de réponses à ce sujet. Tout au plus, j’ai eu droit à des silences gênants et des sourires forcés quand il changeait de sujet.
Comme souvent, ces souvenirs remontent à la surface et je ne peux pas les arrêter. Je ravale la grosse boule que j’ai dans la gorge et je respire un grand coup, voulant chasser à tout prix ma ranc?ur vers ce lieu en moi où s’accumulent mes pensées les plus sombres.
Mon père est un chic type, vraiment. Je sais qu’il m’aime. C’est juste que j’ai l’impression qu’il ne voulait plus s’emmerder après le divorce. Il voulait se débarrasser de tout ce qui pouvait lui rappeler ma mère et, malheureusement, il ne pouvait pas se débarrasser de moi. Je suis donc devenue, malgré moi – et malgré lui – un dommage collatéral.
Pour Nia, bien s?r je suis un rappel vivant de l’ex-femme de son mari, cette garce qu’elle déteste, c’est pourquoi son sourire semble forcé et son étreinte manque de chaleur quand elle me dit bonjour quelques minutes plus tard.
– Cassandra… quel bonheur de te voir.
– Moi aussi, je suis contente de tous vous voir. Je peux aider à préparer le d?ner ?
– Non, non. (Elle garde un petit reste d’accent fran?ais malgré toutes les années qu’elle a passées aux States.) Pourquoi tu n’irais pas t’asseoir à table et rattraper le temps perdu avec ton père et tes s?urs ? Je m’occupe du d?ner.
– Tu en es s?re ?
– Oui.
Elle me fout pratiquement hors de la cuisine, ce qui ne ressemble pas au comportement d’une femme qui veut passer du temps avec sa belle-fille.
Dans la véranda, papa et moi, on s’installe à table pendant que les jumelles n’arrêtent pas de sautiller autour de nous en passant leurs petits doigts sur le dossier de toutes les chaises. Ces deux-là ne peuvent pas rester en place une seule seconde.
– On a parlé de la tortue à Cassie, dit Roxy à papa.
Il a du mal à s’empêcher de rire.
– Ah vraiment ? Je ne suis pas surpris. (Il me jette un coup d’?il.) Les filles ont informé toutes les personnes vivantes qu’elles ont croisées depuis un mois de leur besoin désespéré d’avoir une tortue.
– Parce qu’on a besoin d’une tortue ! lance Roxy, l’air quasi désespérée.
– Ce n’est pas juste ! renchérit Mo.
Je me tourne vers papa :
– Par curiosité, on a quelque chose contre les tortues dans cette maison ?
– Pas du tout. Mais tu sais ce que c’est, les animaux, il faut s’en occuper. On n’est pas s?rs que les filles soient encore assez grandes pour assumer ce genre de responsabilité.
– Si, on est assez grandes ! s’écrient les jumelles en tapant du pied pour insister.
Papa et moi faisons la grimace.
– ?a suffit, les filles, et nous allons arrêter cette discussion pour l’instant, d’accord ? Maman et moi, on a dit pas de tortue. On verra l’année prochaine.
Leurs visages se décomposent.
Voyant qu’elles sont sur le point de pleurer, papa passe à l’action. Il jette un coup d’?il sur la table avec un air exagérément consterné et fait ce que je l’ai vu faire un millier de fois auparavant : une diversion. Je le connais, il va prétendre qu’il y a un truc urgent à régler. D’habitude, c’est assez convaincant, mais ce soir, il se surpasse.
– Oh non ! s’exclame-t-il. Nous n’avons sorti que les serviettes rouges. Il nous faut aussi les blanches !
– Ah bon ? je réponds na?vement.
Il me fusille du regard.
– Oui, Cassandra, tu le sais bien, on doit toujours d?ner avec du rouge ET du blanc, ajoute-t-il en laissant tra?ner sa voix, pour être assorti au vin.
J’ai du mal à ne pas exploser de rire.