Le regard de maman fait le tour de la pièce, s’arrête sur l’orchestre, avant de se retourner et d’admettre, un peu pincée :
– C’est charmant.
– N’est-ce pas ? dit tante Jacqueline. Cela me fait presque regretter de ne pas avoir gardé cet endroit.
Maman ne tarde pas à lui faire une remarque.
– Ne dis pas ?a, Jacqueline. Il fallait qu’on le vende.
L’oncle Will est d’accord.
– Il était temps de tourner la page. Vous vous souvenez de maman et papa avec cet endroit ? C’était toute leur vie, ils n’avaient pas une seconde à eux.
– Le monde entier tournait autour de cet h?tel, ajoute oncle Max.
– Je sais, renchérit ma tante un peu maussade. Je suis juste un peu triste de le voir partir.
Mackenzie revient pour nous faire une visite privée. Il n’y a que la famille, et tout le monde est impressionné par ce qu’elle a fait de l’h?tel. La visite se termine au dernier étage, où Mac s’avance dans le couloir moquetté avec l’allure d’un top-model dans sa robe de satin noir et ses talons argentés. Elle nous conduit jusqu’à une double porte au bout du couloir.
– Et voici la suite présidentielle, dit-elle, un peu solennelle.
Les yeux pétillants, elle s’écarte pour nous montrer la plaque sur le mur :
SUITE TANNER
Je vois que grand-mère est sur le point de verser sa larme.
– Oh Mackenzie, ma chérie, tu n’étais pas obligée de faire ?a…
– Peut-être, mais j’y tenais, lui répond Mac avec le plus grand sérieux, la voix chargée d’émotion. Si vous n’aviez pas été là, Le Beacon n’aurait pas été l’orgueil de cette promenade pendant cinquante ans. C’est votre héritage, Lydia.
La suite est super chic. Il y a même un piano à queue. Nous retournons ensuite dans la salle de bal et je suis surprise de voir une véritable nostalgie embrumer les yeux de maman.
– Tu es triste de le voir partir, toi aussi ? (Mon sourire lui indiquant clairement que je la taquine.) Après avoir tellement dit que tu n’en voulais pas…
– Oh arrête, me dit-elle en me tapotant gentiment le bras. (Elle regarde la salle de bal qui se remplit peu à peu. Le groupe joue maintenant une version jazz d’une chanson de Taylor Swift, ce que je trouve plut?t cool.) Où est ton petit ami ce soir ?
– Hum…
Je sors le portable de ma pochette et consulte l’écran. Tate était censé me dire quand il rentrerait. La dernière fois qu’on s’est envoyé un texto, il était sur le parking en train d’attendre ses parents.
– Oh, parfait. Ses parents sont arrivés. Regarde, ils entrent.
Un serveur appara?t, brandissant un plateau couvert de fl?tes de champagne. Maman en prend tout de suite deux et m’en tend une avec un large sourire. Je la regarde, amusée.
– Quoi ? dit-elle. Il faut bien fêter ?a. Allez, portons un toast : à notre famille !
– ? notre famille ! je dis à mon tour en faisant tinter nos fl?tes.
Je ne sais pas pourquoi son moral est soudain au beau fixe, mais bon… je le prends.
Nous nous frayons un chemin dans la salle de bal en nous arrêtant pour saluer plusieurs personnes que maman conna?t. Je tourne la tête juste au moment où Tate vient d’entrer.
J’en reste bouche bée. Je pensais que Tate en costume c’était sympa, mais Tate en smoking, quelle allure ! C’est un spectacle à lui tout seul. Bien s?r, je préférerais que Tate ne porte rien du tout. Chaque fois qu’on est ensemble tout nus, j’oublie jusqu’à mon nom. Et ce n’est pas seulement le sexe qui transforme mon esprit en bouillie. C’est tout : son rire, la fa?on dont ses yeux bleus s’animent quand il parle d’un sujet qui le passionne, le fait qu’il soit beaucoup plus sensible qu’il ne le laisse para?tre. Il essaie de cacher ?a sous l’apparence d’un putain de gar?on-surfeur à la cool, mais je ne suis plus dupe. Plus maintenant.
Je suis encore sous le choc de ce qui s’est passé la semaine dernière. Tate a versé de vraies larmes quand j’ai parlé de ma relation compliquée avec mon père. J’ai l’intention de respecter ma part du marché ; je vais parler à mes deux parents de notre difficulté à communiquer. Mais je pense que je vais ajouter Tate à cette liste, parce qu’il m’est de plus en plus difficile de nier les sentiments que j’éprouve pour lui.
J’ai bien essayé de ne pas m’attacher, mais j’ai échoué.
Mon c?ur est officiellement engagé.
Ce qui était censé être une petite aventure pour l’été, aujourd’hui, je ne veux plus qu’elle se termine. Et je ne serais pas étonnée qu’il pense la même chose. J’aurais bien aimé que ce soit lui qui en parle en premier, lui qui suggère qu’on continue à se voir, mais jusqu’à présent, il ne l’a pas fait. Au fond de moi, je me demande s’il n’attend pas que je prenne les devants. C’est moi qui voulais une aventure. C’est moi qui ne voulais pas d’une relation sérieuse. Et Tate n’est pas le genre de gar?on à insister. Si j’en veux plus, c’est à moi de le demander. ? moi d’exprimer mes besoins et toutes ces choses amusantes qui en découlent.
Je bois une autre gorgée de champagne avant de toucher le bras de maman.
– Tate vient d’arriver, allons lui dire bonjour.
– Bien s?r.
Elle sirote son propre champagne en me suivant vers le dieu aux cheveux d’or en smoking qui a volé ma virginité et mon c?ur.
– Qui t’a invité ? je lui demande en me moquant un peu dès qu’on arrive près de lui.
– Je sais, je n’aurais pas d?… (Il me dévore des yeux.) Tu es magnifique.
– Tu n’es pas mal non plus.
Je souris et me hisse sur la pointe des pieds pour embrasser sa joue.
Ses parents ne sont pas très loin. Ils discutent avec Levi, l’oncle de Cooper. Gemma nous rejoint dès qu’elle m’aper?oit.
– Cassie, tu es superbe.
Elle me serre affectueusement dans ses bras.
– Je vous remercie. Vous aussi.
Elle porte une robe jaune, ses cheveux clairs sont ramassés en chignon et des mèches ondulées encadrent son visage. Un petit pendentif en diamant est niché au creux de ses seins.
Je salue le père de Tate, moins démonstratif que d’habitude quand il se penche pour m’embrasser sur la joue. Peut-être fait-il attention parce qu’il s’agit d’un événement un peu mondain ? Quand il m’adresse la parole, son attitude semble plus polie qu’animée.
– Cassie, heureux de te revoir.
– Moi aussi, je suis contente de vous voir. Je vous présente Victoria, ma mère. Maman, voici Gemma, et…