The Summer Girl (Avalon Bay, #3)(147)



Peyton dit que je me torture pour rien. Joy menace de venir de Manhattan pour organiser une action de diversion. Elles pensent que je dois passer à autre chose. Je suis s?re qu’elles ont raison. Il n’y a rien d’utile dans tout ?a, rien à gagner à fixer le beau visage de Tate semaine après semaine pendant trois mois d’affilée. Tout ce que ?a fait, c’est qu’il me manque encore plus.

Ce semestre est d’une longueur interminable. Je n’arrive pas à me concentrer sur mes cours. Je n’arrive pas à voir mes amis ni à participer à des fêtes. Je ne suis pas encore devenue une totale ermite : je me douche toujours, je continue à me laver les cheveux et je mange. Je nettoie ma chambre, j’envoie des messages aux gens et je réponds même aux courriels de mon agent littéraire, Danna Hargrove, qui nous a vendu la série Kit et McKenna dans le cadre d’un contrat de cinq livres.

Pour l’instant, on parle d’une avance modeste, mais Danna est enthousiasmée par le potentiel de la série. Elle pense qu’elle va décoller. Elle parle déjà d’adaptations télévisées et de produits dérivés.

Comme toujours, je tempère mes attentes. Mais j’ai bon espoir. Robb fait parie de l’aventure en tant qu’illustrateur, et le premier livre, celui que j’ai offert à mes s?urs, sortira à l’automne prochain. La date limite pour le deuxième album est la nouvelle année suivante, donc heureusement, je n’ai pas besoin de me forcer à être créative en ce moment.

De toute fa?on, ces jours-ci, je ne me sens pas créative du tout. Je ne ressens rien, en fait… et surtout pas l’ombre de ce qui pourrait ressembler au bonheur. Mais c’est Thanksgiving et j’ai un peu le moral dans les chaussettes. Maintenant, j’ai h?te de voir ma famille. Depuis la nuit où j’ai débarqué chez papa et où j’ai pleuré dans les bras de Nia, tout va mieux. Papa fait un effort pour savoir comment je me sens ; Nia et moi avons même commencé à nous envoyer des textos.

Avec ma mère, c’est le contraire. Je ne lui ai pas parlé depuis la fameuse nuit du Beacon. Je m’en fous. Elle m’a envoyé plusieurs textos, elle m’appelle souvent, et même si je ne peux pas me résoudre à la bloquer, je ne réponds pas. D’après ma grand-mère, ?a la rend folle. Je découvre que les narcissiques n’aiment pas la méthode du silence. Quelquefois, j’ai peur de la voir débarquer sur le campus pour essayer d’arracher une réconciliation de mes mains obstinément fermées, mais jusqu’à présent, elle a gardé ses distances. Qui sait combien de temps cela va durer.

Je ferme mon ordinateur portable, le laisse sur le lit et descends rejoindre ma famille. Nia prépare le d?ner. Pendant ce temps, papa fait semblant de regarder le football dans son antre, alors que tout le monde sait qu’il est incapable de citer le nom d’un seul joueur des équipes qui jouent aujourd’hui. Dans le salon, mes s?urs sont assises devant l’aquarium de Pierre et lui montrent les dessins qu’elles ont faits de lui.

Je m’approche d’elles et jette un coup d’?il par la vitre : Pierre se rafra?chit sur son cyprès. Je lui fais un signe de la main.

– Salut, mon petit gars ! (Je regarde Mo.) Des pets ces derniers temps ?

– Non, se plaint-elle.

Roxy pousse un soupir de déception. En ricanant, je me dirige vers la cuisine où je trouve Nia appuyée sur le plan de travail, visiblement contrariée devant sa planche à découper.

– Hum… tout va bien ici ?

Je regarde tous les oignons coupés qu’elle a mis en tas, essayant de comprendre quel est son problème.

– Je n’ai plus d’oignons, grogne-t-elle.

– Toi, Nia Soul, tu manques d’un ingrédient ? Ce n’est pas toi qui m’as dit fièrement, quand j’étais ici pendant les vacances de milieu de trimestre, que ton sixième sens te permettait de toujours acheter la quantité exacte de pommes de terre dont tu as besoin ?

Elle serre les dents.

– Les pommes de terre, oui, mais là, ce sont des oignons.

Nia lance quelques jurons, un mélange d’expressions anglaises et fran?aises qui me fait sourire.

– Merde. Je n’ai pas le temps de chercher un magasin ouvert en ce moment. J’ai trop de choses à faire…

– Je vais y aller, je suis presque s?r que Franny’s Market est ouvert jusqu’à quatre heures aujourd’hui. Ils sont toujours ouverts les jours fériés.

Je la sens soulagée.

– Tu es s?re que ?a ne te dérange pas ?

J’attrape les clés de papa sur le comptoir.

– Non, pas de problème, je vais y aller. Il t’en faut combien ?

– Deux. Alors, prends-en quatre.

– Va pour quatre, je réponds en ricanant.

– Merci, Cassandra.

Je quitte la maison et monte dans le pick-up de papa. C’est tellement étrange de ne pas conduire la Rover de grand-mère. Ou de rester chez elle. Mais grand-mère n’habite plus Avalon. Elle vit maintenant à Boston, dans le même immeuble que tante Jacqueline et oncle Charlie, et elle adore passer du temps avec ses petits-enfants. Notre maison à Avalon Bay appartient désormais à une autre famille. Un investisseur, sa femme beaucoup plus jeune et leurs trois enfants. Grand-mère dit qu’ils ont l’air bien. J’espère qu’ils apprécieront cette maison, elle me rappelle tellement de bons souvenirs.

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